top of page

Lapland, Finland

Virginie Giffo

Le départ de Tallinn à bord d'un bateau de la Viking Line offre un beau panorama sur la ville illuminée. Il fait nuit, je sais qu'une fois en mer il n'y aura plus rien à voir. Une grande inspiration, car l'air marin me fait toujours du bien, et je rentre. Ah oui, la grande inspiration c'était aussi pour me préparer à ce qui m'attend à l’intérieur : ambiance fin de soirée un peu beauf, avec musique (estonienne) des 80's, synthé et gros messieurs ivres à 18h30 (car l'alcool coûte extrêmement cher en Finlande, je suppose). Un bonheur pour tous les sens, on a hâte de rejoindre le car même si la nuit s'annonce longue. Vers neuf heure du matin, le soleil ne s'est toujours pas levé. Le car est très silencieux, les douze heures de trajet auront finalement endormi tout le monde. Moi, je regarde la route, la neige. Nous ne croisons pas une seule voiture, il y a peu de maisons. La lumière arrive et dévoile les premiers secrets de la Laponie, comme ces immenses étendues blanches : des lacs gelés !

Je ne souhaite pas m'étendre sur notre premier stop, le Santa Claus Village : oh joie, un attrape-touristes. Je ne m'y attendais pas du tout dis donc !

Pour rejoindre l'auberge, il faut à nouveau rouler deux heures. Fatiguée de cette courte nuit, je somnole au rythme des sapins habillés de blanc qui défilent par la fenêtre. À treize heure le soleil est déjà bas, mais donne une belle couleur aux paysages enneigés : montagnes, lacs gelés, sapins et petites maisons de bois rouge. Le must : sauna en bois rouge sur le flanc d'une montagne couverte de neige et de sapins au bord d'un lac gelés. COMBO. À Kuusamo, le logement est simple mais agréable, nous rejoignons une colline pour une première "slide experience", la luge. Ici, le dîner est à sept heure, et tous les non-Latin trouvent cela normal. À minuit il n'y a plus un bruit, il faut recharger les batteries avant LA belle journée. À huit heures je saute dans mon pantalon de ski et cours me jeter dans la neige. Aha. Non. Pour le petit déjeuner, je m'efface derrière un vague sourire en espérant être aussi translucide que la neige, le temps d'activer ma bonne humeur : vivre en communauté c'est chouette, mais pas le matin ! Et puis enfin, direction Erä-Susi Naturesafaris, la ferme de huskies ! Susi, le propriétaire, nous accueille. Je lui trouve un air de capitaine Haddock, de gaulois et de viking, bref un grand barbu aux yeux très clairs, tout emmitouflé dans des peaux de bêtes, et qui a visiblement l'habitude des touristes : il prend la pause avec plaisir durant plusieurs minutes, adossé à son traîneau !

Après quelques conseils rapides mais efficaces, nous allons à la rencontre des chiens. Les huskies sont très excités, attelés par cinq aux traîneaux. C'est impressionnant, mais on nous a prévenu qu'ils retrouveraient leur calme et seraient concentrés sur leur travail dès qu'ils seraient lâchés. Alexandra s'installe dans la "chariotte" sur une peau de bête, je monte à l'arrière, debout sur deux fins morceaux de bois rehaussés d'une base antidérapante. Nous échangeons en cours de route. Larguer les amarres, et accrochez-vous. Les chiens partent à vive allure, nous entraînant dans ce paysage de rêve : de grandes étendues blanches et des bois de sapins, le soleil qui se lève à l'horizon baignant la nature d'un voile rosé.

(au milieu, photo de Aliis, estonienne qui fait partie de l'ESN Tallinn, association Erasmus : Alexandra et Virginie sur le traîneau)

Il n'y a pas de rênes, chaque attelage suit le précédent. Un frein permet de demander aux chiens de ralentir, lorsqu'il y a une descente, que l'un d'entre eux est fatigué ou s'emmêle dans l'attelage. Ils sont vifs, mais pas toujours obéissants... Pendant une descente, c'est le drame : les huskies ne ralentissent pas, se rapprochent de plus en plus les uns des autres, le traîneau prend de la vitesse, et HOP une belle salade de chiens ! Installée au chaud sur la fourrure, c'est à moi d'aller démêler tout ce petit monde. Ils aboient mais sont gentils : une patte à passer par dessus une ficelle, deux chiens à séparer, heureusement on vient à ma rescousse car le dernier est ... emmêlé face au traîneau. Il faut détacher l'attelage pour le remettre dans le bon sens, et les autres sont déjà prêts à repartir, chargés à bloc après cette pause indispensable. Après cette merveilleuse expérience, c'est l'instant mignon : je ne saurai dire qui était le plus affectueux des rennes, brebis, chevaux finlandais, cochons ou lamas. Après ce festival de câlins, direction un ferme de rennes, ou ils sont élevés en semi-liberté. Notre guide nous explique qu'il est interdit de chasser les rennes, car ils appartiennent généralement à quelqu'un. Le propriétaire ne parle pas anglais, il nous fait signe de monter à deux sur le traîneau. Les animaux ne sont pas attachés mais ne bougent pas : ils mangent le tas de lichen posé devant eux. Une grande claque sur la croupe et la bête part au quart de tour. À peines 5 mètres plus loin, POUF l'attelage se détache ! Au bout des rênes que je tiens toujours, l'animal, très calme, me regarde. Décidément j'ai un excellent feeling avec les attelages ! L'arrivée est très drôle, pas besoin d'arrêter le renne, il se rue sur son tas de lichen et ne porte plus aucune attention à rien. Après un "rapide" tour (tout est relatif lorsqu'on fait ça après une course avec des chiens de traîneau) : soupe, saucisse et thé, le tout chauffé au feu de bois.

Un tour dans une station de ski, Ruka Village, écourté à cause de la brume qui nous empêche de profiter pleinement du paysage, puis direction le sauna et la piscine, pour un repos bien apprécié après cette belle journée.

Le soir, nous sommes très excités à l'idée de voir des aurores boréales. Certains n'ont que ce mot à la bouche depuis notre arrivée. En effet, nous sommes proches du cercle polaire, c'est l'endroit idéal. Chacun à ses pronostiques, basés sur la couleur du ciel, une application, internet ou "random people said that...". Bref, rien de très précis, toute la soirée nous nous relayons sur la colline proche de l'auberge et éloignée de la pollution lumineuse. Par moins quinze degrés, difficile de rester très longtemps dehors. Alors les luges descendent la pente, servent de remparts contre le vent, les flasques de rhum circulent (on se croirait à l'école des Glénan), on disparait, tels des oignons, sous nos couches de vêtements, et parfois, on rentre se réchauffer à l'auberge, le temps d'un jeu de carte. Finalement, vers trois heures du matin tout le monde se fait une raison, non, nous ne verrons pas d'aurores boréales car le ciel est trop chargé. Pour moi, cela aurait été un plus dans ce voyage, mais je ne suis pas trop déçue car j'ai vécu d'autres super-moments, et puis après tout ce n'est "que" le ciel qui devient vert (de façon magnifique, ok), à cause du magnésium (ou quelques explications scientifiques du genre.) Et puis nous ne sommes qu'en décembre, il y aura d'autres occasions !

Voici venu le troisième et dernier jour. Arrivée à l'Oulanka National Park, j'ai hâte de découvrir ces paysages féeriques. Nous traversons une arche pour entrer dans les bois. Tout est calme, froid, et la végétation se cache sous une couverture de neige. Nous avançons dans ce chemin feutré, chaque tournant, chaque ouverture dans les arbres dévoile un décor merveilleux. Nous longeons une rivière, ou un lac, je ne sais pas trop : tout est comme figé dans le temps : l'eau, les plantes, les cascades.

Au détour d'un chemin, une falaise aux roches couleur sang tranche avec tout ce qui nous entoure. C'est un prélude à la braise rouge des feux que nous allumons dans le refuge pour faire cuire notre lunch. L'avantage de ces températures basses, très basses, c'est qu'en se couvrant bien on n'attrape pas froid, mais le fromage de nos sandwich ne risque pas de prendre un coup de chaud ! En arrivant, j'enterre, ou plutôt j'enneige mes briques de jus pour les rafraîchir rapidement (quelle créativité me direz-vous, c'est incroyable !)

Ne quittons pas le registre du chaud/froid, voici l'heure tant attendue du sauna! En arrivant, nous avons l'impression d'être en pleine nuit. Mais non, il n'est que 15h30 ! "Boys on the left, girls on the right, take your tools and don't forget to add some water on the stones sometime". En effet, le fait d'ajouter de l'eau sur les pierres qui sont posées sur le feu permet de créer un épais nuage qui réchauffe l'air. Les gouttelettes brûlent un peu la peau en tombant, mais en se protégeant le visage avec la serviette, il est facile de supporter cette forte chaleur (enfin pour presque tout le monde). Après un moment au chaud, il est temps. Je vous rappelle qu'il fait 90°C dans le sauna, moins quinze degré dehors, et cette fois il y a du vent. Un pas après l'autre, en nous demandant ce que nous sommes en train de faire, nous sortons du sauna, nous courons en maillot sur la terrasse enneigée puis nous traversons un petit pont pour arriver sur une plateforme : ce n'est pas le moment de réfléchir, on descend l'échelle pour se plonger dans l'eau glacée du lac... et on court se réchauffer dans le sauna ! Je peux vous assurer qu'après avoir répété cette opération trois fois, je me sent bien, propre, détendue, réveillée, et très fatiguée à la fois ! Ça tombe bien, c'est l'heure de prendre le car. Dix heures plus tard, nous voici à Helsinki, et encore trois heures plus tard, je suis à Tallinn, au fond de mon lit : home, sweet home. Et oui, je me sens vraiment chez moi ici maintenant.

(photo : Andreas)

 
 
 

Photographies © Virginie Giffo. Toute reproduction interdite / copy and use are forbidden

bottom of page